• En Ethiopie, des raisins en pleine croissance

    En Ethiopie, des raisins en pleine croissance

    le 02 Mai 2014

    Les plants de cépages importés d'Europe ont mis du temps à s'adapter à l'altitude et au climat éthiopien.

    Postés à intervalles réguliers dans les rangées de vigne, des hommes font claquer leur lasso pour éloigner les oiseaux. "Mettre des filets aurait coûté 800 000 euros", justifie Olivier Spillebout. La solution pour empêcher les antilopes de brouter le haut des plants n'a pas encore été trouvée, mais l'oenologue du groupe français Castel s'amuse presque de ces problèmes. Il sait qu'il vit une expérience unique et, surtout, qu'il est en passe de réussir le pari qu'on lui a confié il y a cinq ans : créer un vin de toutes pièces... en Ethiopie.

    Des familles européennes en produisaient déjà à l'époque de l'empereur Haïlé Sélassié. A la fin des années 1970, le régime militaro-communiste du Derg avait ensuite nationalisé ces exploitations sous l'appellation Awash Winery. Le marché intérieur existe, au point que le consortium international qui vient de racheter à prix d'or cette société d'Etat vise les 20 millions de bouteilles par an. Mais la boisson est très... singulière. Certains n'hésitent pas à dire qu'avec tous ces additifs et ce sucre, ce n'est plus vraiment du vin.

    De son côté, Castel a une tout autre ambition : faire une boisson "de qualité" destinée à l'export, au moins pour moitié. Le groupe français, très implanté en Afrique grâce à la bière, n'a cependant pas trouvé l'idée tout seul. C'est l'ancien premier ministre Meles Zenawi, décédé en 2012, qui lui en a quasiment intimé l'ordre afin de transformer l'image de l'Ethiopie et de rapporter des devises. Malgré 25 millions d'euros d'investissement nécessaires, "Pierre Castel n'a pas monté cette cave pour faire de l'argent", assure Olivier Spillebout en déambulant dans l'usine tout en inox avec écran tactile encastré dans le mur. En fait, l'entreprise y a surtout vu un moyen de renforcer sa position dans un pays en plein boom économique, mais encore difficile d'accès.

    ABSENCE DE SAISONNALITÉ

    Certes, le lien privilégié avec les autorités va sans doute permettre le développement d'activités lucratives dans un Etat devenu, avec plus de 90 millions d'habitants, le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique. Mais le vignoble en lui-même pourrait, en fin de compte, devenir rapidement profitable. Cette année, 1,3 million de bouteilles ont été produites et ont toutes été commandées à l'avance. Car les cuvées de Rift Valley et d'Acacia se sont fait désirer. Olivier Spillebout explique le retard par la difficulté de s'adapter à l'altitude de Ziway (1 600 m) et à l'absence de saisonnalité. En Ethiopie, les températures et les durées de jour et de nuit sont à peu près constantes toute l'année, ce qui a déboussolé les plants de chardonnay, de syrah, de merlot et de cabernet-sauvignon arrivés d'Europe.

    Mais le consommateur, ne risque-t-il pas, lui aussi, d'être tourneboulé par un vin de provenance aussi exotique ? Les Chinois ont déjà acheté 300 000 bouteilles, la nombreuse diaspora d'Amérique du Nord sera curieuse de découvrir ce nouveau produit. Et une classe moyenne se développe. "Même si l'obsession du gouvernement est de faire entrer des devises étrangères, je pense qu'à terme notre marché sera plutôt national", estime même Bernard Coulais, directeur général de Castel BGI, filiale du géant français en Ethiopie.

    "Quand le projet a été lancé, il y a eu des critiques aberrantes trouvant scandaleux de faire du vin dans un pays qui crève de faim...", sourit-il. Rappelons tout de même que, dans ce pays où le revenu national brut n'excède pas 380 dollars par habitant et par an, trois Ethiopiens sur dix vivent avec moins de 0,60 dollar par jour. Mais, c'est vrai, les autorités du pays ont faim... de succès économiques. Et si la classe moyenne a soif, Castel espère que ce sera de son vin.


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :