• Une femme récolte les grappes de raisins dans les vignobles du groupe Castel près de Ziway en Éthiopie, le 12 juin 2014 ©AFP

    Merlot, Syrah, Cabernet, Chardonnay...Dans le sud de l’Éthiopie, pays trop souvent associé à la sécheresse et la famine dans la mémoire collective, s’étendent au bout d’une route défoncée 160 hectares de vigne.

    Ce vignoble inattendu est perché à 1.600 m d’altitude.Le groupe français Castel en a tiré cette année sa première cuvée.

    N°3 mondial du vin, propriétaire de vignobles en France mais aussi au Maroc et en Tunisie, il s’est lancé en 2007 dans l’aventure vinicole en Éthiopie, où le groupe - également n°2 de la bière et des boissons gazeuses en Afrique - brasse depuis 1998 la bière locale St-Georges.

    C’est l’homme fort de l’époque, le Premier ministre Meles Zenawi, décédé en 2012, qui demande au groupe français de se lancer dans la production d’un vin éthiopien de qualité destiné à l’exportation.

    Soucieux d’attirer les investissements étrangers dans le cadre d’un plan d’industrialisation massif destiné à faire de l’Éthiopie un pays à revenu intermédiaire d’ici 2025, Zenawi pense que le vin est susceptible d’améliorer l’image de son pays. 

    - ’Made in Éthiopie’ -

    "Les gens qui vivent hors d’Éthiopie ont en mémoire la sécheresse en Ethiopie il y a une dizaine d’années", explique le ministre de l’Industrie Ahmed Abtew."Mais quand ils voient un vin +made in Éthiopie+, oh !, leur état d’esprit change immédiatement", sourit-il.

    Le pays souffre toujours d’une bureaucratie pesante, d’infrastructures limitées et offre peu de protection aux investisseurs, selon la Banque mondiale.

    La tradition vinicole en Éthiopie remonte à la première moitié du XXe siècle, sous le règne de l’empereur Haile Selassie, qui régna de 1930 à 1974 (à l’exception d’un exil de 1936 à 1941 lors de l’invasion italienne).

    Mais les vignobles éthiopiens furent nationalisés par le régime militaire du Derg (1974-1991) et intégrés dans un monopole d’Etat, Awash Wine, qui produit des vins adaptés au goût local pour les breuvages sucrés et sirupeux, pour le moins éloignés des normes œnologiques mondiales.

    En 2007, Castel investit donc 20 millions d’euros dans le premier vignoble à capitaux étrangers en Éthiopie et plante à Ziway, à 160 km au sud d’Addis Abeba, des cépages importés de France.

    Ici les vignes profitent de conditions propices, d’un sol sablonneux et d’une saison des pluies courte, mais aussi d’une main d’œuvre abondante et bon marché.

    - ’Pas trop chaud’ -

    "Il n’est pas difficile de faire du vin parce que le climat est bon, il ne fait pas trop chaud", explique l’œnologue Olivier Spillebout, responsable du vignoble Castel dans la localité de Ziway.

    Le site comprend également une unité de vinification, avec cuves modernes en inox et barriques en bois.

    Castel produit deux marques : une haut-de-gamme, Rift Valley, monocépage rouge (Merlot, Syrah ou Cabernet-Sauvignon) ou blanc (Chardonnay), et un vin d’assemblage dénommé Acacia.

    Le millésime 2014 du vignoble - 1,2 million de bouteilles - est destiné pour moitié à l’exportation, visant surtout la diaspora éthiopienne d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Afrique de l’Est, et pour l’autre au marché intérieur et à une classe moyenne en plein essor, avide de vins de qualité à des prix abordables.

    Les vins Acacia et Rift Valley, vendus entre 5 et 7 euros la bouteille, sont meilleur marché que les vins de qualité comparable - voire inférieure - importés d’Afrique du Sud ou d’Italie.

    Près du quart de la première cuvée cette année a déjà trouvé preneur depuis avril.Dont, à l’étranger, 24.000 bouteilles achetées par un importateur chinois."Pour nous, c’est une grosse surprise parce qu’il n’y a pas d’éthiopiens en Chine, mais pourquoi pas ?", s’amuse Olivier Spillebout.

    - Bénéfices en 2016 ? -

    Castel estime pouvoir engranger ses premiers bénéfices vers 2016, mais envisage déjà d’agrandir le vignoble, avec pour objectif les trois millions de bouteilles annuelles."Pour l’export, c’est encore modeste actuellement, mais année après année, ou mois après mois, les ventes vont croître très rapidement".

    Le principal concurrent, l’ancien monopole Awash, privatisé en 2013 au profit du groupe Blue Nile, propriété du fonds d’investissement 8Miles dirigé par l’ex-rockeur Bob Geldolf, produit environ 7 millions de litres, soit 9 millions de bouteilles.

    Des chiffres modestes, qui n’empêchent pas Olivier Spillebout de penser que l’Ethiopie a le potentiel pour devenir le premier producteur et exportateur de vin du continent.

    Un projet pour le moins ambitieux : la place est actuellement occupée par l’Afrique du Sud qui, en 2013, a produit plus de 900 millions de litres de vin, dont plus de la moitié ont été exportés.


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  • Les chaussures soleRebels de Bethlehem Tilahun Alemu font fureur.

    Addis-Abeba, capitale de la mode ? Les designers locaux en rêvent. Et pour cause : entre tradition et matériaux "verts", certaines marques séduisent déjà les fashionistas.

    Dans la rue, tisserands et potiers s'activent, mais le plus grand calme règne dans cet atelier de Sidist Kilo, un quartier du nord-est d'Addis-Abeba. Une dizaine d'artisans patientent tandis que le maître à tisser inspecte les étoffes.

    La clientèle étrangère est difficile. Une écharpe colorée dans une main, un nuancier de tons bleus dans l'autre, l'homme ne laisse rien passer. "Au début, les tisserands ont eu du mal à comprendre nos exigences, commente Jacques Dubois, l'un des fondateurs de Muya Ethiopia, une enseigne de meubles et de tissus traditionnels locaux. Parfois, il fallait tout recommencer à cause d'un petit défaut. Et puis la longueur, le mélange de couleurs et les styles ne leur étaient pas familiers."

    Lancée en 2005, Muya Ethiopia fait partie des pionniers. Elle exporte la totalité de ses créations. "J'avais envie de mettre en valeur notre héritage et notre savoir-faire traditionnel, raconte Sara Abera, sa cofondatrice et designer. L'Éthiopie n'a jamais été colonisée, nos techniques sont restées intactes." "Longtemps, le talent de nos artisans est demeuré invisible, ajoute la jeune créatrice Bethlehem Tilahun Alemu. Mais nous sommes sur le point de concurrencer les plus grandes marques."

    Elle a conquis les plateformes de vente en ligne

    Car si l'on savait déjà que les professionnels de la mode, à l'instar du géant suédois H&M, ont les yeux rivés sur l'Éthiopie, où ils rêvent d'installer leurs usines pour réduire leurs coûts de production, Addis-Abeba regorge aussi de créateurs qui séduisent les plus grandes marques de prêt-à-porter. La clé de ce succès ? "Nous donnons aux tissus et motifs traditionnels une touche de modernité", explique Genet Kebede, une créatrice dont les sacs commercialisés sous la marque Paradise Fashion sont disponibles chez Barneys, la prestigieuse enseigne new-yorkaise.

    Le boom de la consommation éthique explique également ces bons résultats, poursuit Bethlehem Tilahun Alemu : "Le consommateur global a une conscience et de plus en plus d'exigences. Il réclame des produits authentiques, écologiques et de qualité."

    La jeune créatrice, 33 ans, a lancé il y a dix ans sa propre marque de chaussures écologiques, soleRebels. Elle exporte 90 % de sa production. Après avoir conquis les plateformes de vente en ligne Amazon et Urban Outfitters, ses sandales, tongs et mocassins certifiés "commerce équitable" par la World Fair Trade Organization sont désormais vendus dans quatorze boutiques, de Taïwan à l'Autriche en passant par le Japon et l'Espagne.

    Néanmoins, vendre à l'étranger relève encore du parcours du combattant pour les designers locaux. "La contrainte de rapidité de production constitue toujours un obstacle pour nos entrepreneurs", reconnaît l'Américaine Elizabeth Brown, l'une des fondatrices d'Africa Design Hub, une plateforme de vente en ligne ouverte en 2013.

    Sawa et Enzi visent les hipster de Londres et de Hong Kong

    Cantonnées jusqu'à présent aux boutiques du Mercato, le grand marché d'Addis-Abeba, les productions éthiopiennes s'exportent de plus en plus, et la ville se prend à rêver de devenir une capitale de la mode. Comme Lagos, où s'est tenue en mai la première Africa Fashion Week organisée sur le continent.

    Pour les marques locales, le principal défi reste de se faire connaître. Les fabricants de chaussures Sawa et Enzi sont en train de gagner leur pari en ciblant les hipsters de Londres et de Hong Kong. Quant à la marque Lemlem, qui commercialise des écharpes et des robes de coton mélangé tissées main, elle reçoit régulièrement les honneurs de magazines de mode comme Marie-Claire, Vogue et Elle. Une publicité qui doit beaucoup au réseau de sa fondatrice, le mannequin éthiopien Liya Kebede. En 2007 et 2008, le magazine Forbes l'a classée parmi les 15 top-modèles les mieux payés au monde.


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